La construction et le développement d’un questionnement éthique des ingénieurs: Le cas des ingénieurs en formation par apprentissage

• Patricia CHAMPY-REMOUSSENARD,  Professeure des Universités, Université de Lille (rapporteure)
• Joris THIEVENAZ, Professeur des Universités, Université Paris-Est, Créteil, Val-de-Marne (rapporteur)
• Christelle DIDIER, Maître de Conférences, Université de Lille
• Emmanuel TRIBY, Professeur des Universités, Université de Strasbourg
• Jacques AUDRAN, Professeur des Universités, INSA Strasbourg

La soutenance aura lieu à 14h à la salle Ourisson à l’Institut Le Bel à Strasbourg.

Notre thèse explore la construction et le développement du questionnement éthique des ingénieurs, en se concentrant sur leur perception des enjeux socioécologiques dans les situations de travail. Les approches sociologiques, notamment en sciences de l’éducation, ont révélé la portée éthique des activités des ingénieurs. Toutefois, cette dimension reste insuffisamment intégrée dans les parcours de formation des ingénieurs en France. Ce retard résulte en partie de choix politiques et économiques, mais aussi de la difficulté à évaluer et certifier cet aspect de la compétence des ingénieurs, qui engage les valeurs subjectives des individus au travail.

En mobilisant les sciences de l’éducation, et particulièrement l’approche ergologique, nous avons structuré notre recherche pour comprendre comment les apprentis-ingénieurs s’approprient le travail prescrit pour se construire un point de vue singulier sur les enjeux sociétaux et environnementaux inhérents à leurs activités. Cette perspective influence la réalisation de leurs missions d’ingénierie chez leurs employeurs. À travers une série d’entretiens ergologiques tripartites (apprenti, tuteur, chercheur), notre recherche a mis en lumière comment les apprentis renormalisent les contraintes de leur activité. Ils intègrent des aspects inattendus, spécifiques à chaque situation, et articulent les attentes de leur employeur avec celles de la société en matière de développement durable.

L’analyse des initiatives prises par les apprentis montre que l’éthique n’est pas une compétence mais plutôt un ingrédient de la compétence des ingénieurs, considérée comme un tout. Ainsi le questionnement des apprentis-ingénieurs sur les enjeux éthiques de l’activité s’exprime dans leurs arbitrages qui traduisent une double nécessité : celle d’actualiser les normes du prescrit en fonction du réel de chaque situation, et celle de personnaliser leurs agir afin de se positionner comme auteurs de leurs actes.

Les résultats de notre recherche permettent de comprendre comment la détection d’indices de personnalisation des actes peut contribuer à l’évaluation et à la certification de l’aspect éthique de la compétence des futurs ingénieurs. En prolongeant notre analyse, nous avons également compris que la reconnaissance du point de vue éthique des apprentis favorise la construction de leur rapport à la responsabilité. Ce rapport est essentiel pour développer une posture d’ingénieur-manager capable d’appréhender les enjeux éthiques de l’activité et de guider les renormalisations de ses collaborateurs.