La compétence empêchée

Le contexte actuel des entreprises est caractérisé notamment par la recherche éperdue de gains de productivité au moyen d’une mobilisation continue du travail individuel et collectif ; le développement de l’autonomie passe ainsi par l’exploitation constante des ressources très ambivalentes de la compétence et de la responsabilisation des salariés. Réalisée dans le cadre d’une CIFRE, notre étude questionne ce contexte du développement de la compétence et la capacité qu’ont les entreprises à le rendre possible. Notre cadre théorique se nourrit principalement des démarches d'analyse de l'activité, de la sociologie des organisations et de l’approche systémique. Cette multi-référentialité est nécessaire pour comprendre à la fois le point de vue des acteurs, l’impact des conditions d’organisation de la production sur le pouvoir d’agir des personnes, les tensions qui traversent l’ordre productif et concourent à encadrer les espaces professionnels respectifs.

Nos résultats se condensent principalement dans l’idée de compétence empêchée. Ceci recouvre à la fois la question des savoirs légitimes par rapport aux savoirs incarnés, mais également la tension entre les savoirs du management, les savoirs des consultants, et les savoirs des opérateurs. L'empêchement à la compétence est au cœur d'une configuration des savoirs particulière et d’une organisation du pouvoir qui reposent la question de la possibilité de se former dans, par et pour la production quand elle est soumise aux exigences du marché. Les savoirs formels sont au service du pouvoir, y compris le pouvoir de l’opérateur sur lui-même, incapable de s’extraire des normes antécédentes pour devenir effectivement compétent.